Exil fiscal en Italie: la France se trompe de cible

Dans une interview accordée le 31 août notamment à France info, François Bayrou a accusé l’Italie de «dumping fiscal» contribuant au «nomadisme» des personnes fortunées françaises. Ces accusations qui visaient le forfait fiscal italien introduit par le gouvernement de centre gauche de Matteo Renzi en 2017 ont été jugées par l’ancien commissaire européen et président du conseil Mario Monti comme «impulsives et peu pertinentes».

L’attaque de l’ancien premier ministre est mal fondée et mal ciblée pour les raisons suivantes.

Tout d’abord, et on a trop souvent entendu cette chansonnette à propos des départs de Suisse, lorsque des personnes décident de déménager, le problème n’est pas dans l’Etat où elles se rendent, mais dans celui qu’elles quittent. Visiblement, cela n’a pas encore été compris de la part des Français.

En second lieu, François Bayrou s’en prend au forfait fiscal qui, en résumé, permet aux contribuables domiciliés en Italie qui en bénéficient de payer durant une période maximum de quinze ans une somme forfaitaire de 200'000 euros plus 25'000 euros par membre de la famille.

Cependant, si les personnes fortunées françaises se rendent en Italie, ce n’est pas pour être imposées de manière forfaitaire, mais pour bénéficier de la Convention conclue le 20 décembre 1990 entre l’Italie et la France en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôt sur les successions et sur les donations (Convention franco-italienne). En effet, en vertu de l’article 750 ter 3° du Code général des impôts français (CGI) en cas de décès d’une personne domiciliée hors de France ou si une personne domiciliée hors de France fait une donation, mais dont l’héritier ou le donataire est domicilié en France, et l’a été six ans au cours des dix dernières années, la France impose la totalité des biens meubles ou immeubles, situés en France ou à l’étranger, revenant à ce dernier. Il résulte de cette disposition que si une personne quitte la France et que ses héritiers ou les bénéficiaires de donation sont domiciliés en France, l’impôt successoral ou sur les donations sera dû non seulement dans le pays où le défunt ou le donateur est domicilié, mais également en France. L’article 784 A CGI stipule néanmoins que le montant des impôts acquittés hors de France est imputable sur l’impôt exigible en France. Cependant, cette imputation est limitée à l’impôt acquitté sur les biens meubles et immeubles situés hors de France.

En d’autres termes, si le compte bancaire hérité ou donné se trouve en Suisse, l’impôt sur les donations ou sur les successions payé à l’étranger sera déductible de l’impôt français, ce qui ne sera pas le cas si le compte bancaire se trouve en France. Or, l’intérêt majeur d’une délocalisation en Italie est qu’outre la qualité de la cuisine ainsi que la beauté des villes et des paysages, il résulte de l’article 9 de la Convention franco-italienne qu’en dérogation à l’article 750 ter 3° du CGI les impôts de donation et de succession sont dus, à l’exception de ceux concernant des biens immobiliers situés en France, exclusivement en Italie même si le donataire ou l’héritier est domicilié en France. Ceci est d’une importance majeure dans la mesure où l’impôt sur les donations et les successions est en France entre 45 et 60% selon le degré de parenté, alors qu’il se situe entre 4 et 8% en Italie… C’est cela que les exilés fiscaux français vont chercher en Italie, et non pas le forfait fiscal. D’ailleurs, et ceci mérite d’être souligné, les bénéficiaires du forfait fiscal italien ne peuvent en principe pas bénéficier de ladite convention. Par conséquent, plutôt que d’accuser le gouvernement italien, François Bayrou aurait mieux fait de résilier la convention franco-italienne!

Enfin, l’attitude de la France consistant à maintenir sa convention avec l’Italie est d’autant plus surprenante si on la compare avec celle adoptée à l’égard de la Suisse. En effet, notre pays avait conclu avec la France le 31 décembre 1953 une convention de double imposition qui prévoyait également une dérogation à l’article 750 ter 3° CGI. Cependant, la grande différence entre la convention qui liait la France et la Suisse et celle conclue entre la France et l’Italie, est que la Convention franco-suisse ne concernait que les successions et non pas les donations. Or, malgré ceci, à partir du mois de mai 2011, alors que Nicolas Sarkozy était président, la France a commencé à remettre en cause la convention liant nos deux pays. Le 11 juillet 2013, Eveline Widmer-Schlumpf, chef du département fédéral des finances de l’époque et son homologue français, Pierre Moscovici ont signé une nouvelle convention qui n’était rien d’autre qu’une capitulation helvétique qui, à juste titre, n’a pas été ratifiée par le parlement suisse. Suite à cette décision, la France a mis fin le 17 juin 2014 à la convention de double imposition de 1953 avec effet au 31 décembre 2014. A l’époque, le gouvernement français nous a expliqué qu’il n’était plus possible de garder des conventions de ce type. Il est paradoxal de constater que ce qui n’était plus possible à l’époque avec la Suisse en matière de succession, l’est néanmoins encore aujourd’hui avec l’Italie, non seulement en matière de succession, mais également en matière de donation…

En conclusion, si le futur premier ministre français souhaite éviter que les personnes fortunées quittent la France, il y a lieu avant tout de résoudre les problèmes en France. Si par ailleurs, il veut limiter les départs en Italie, il ne faut pas s’en prendre au forfait fiscal italien, mais résilier la Convention franco-italienne conclue le 20 décembre 1990. La prochaine échéance est le 30 juin 2026 pour le 31 décembre 2026…

Source : Allnews - Philippe Kenel, Valfor

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